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Pourquoi une action en nullité du brevet de la nouvelle formule Levothyrox a peu de chance de succès et est dangereuse

Particularités du droit de la propriété intellectuelle

Le droit de la propriété industrielle est un droit assez complexe. Il s’enseigne en faculté pour la grande majorité des avocats qui ont fait l’effort de passer la très difficile barrière de l’examen-concours appelé CRFPA. 

 

Ce droit est aussi pratiqué par une autre profession très spécialisée, les conseils en propriété industrielle (CPI) ayant quant à eux passé les très difficiles examens du CEIPI.

 

Le reste de la population de juristes, d’avocats non spécialisés dans le domaine, y compris et surtout ceux qui ont fait jouer diverses équivalences pour éviter de passer le CRFPA évitent en général de se confronter à ce droit plein de pièges pour qui le connaît mal. On ne peut être compétent en tout et la jurisprudence est féroce avec ceux qui se pensent « capables de tout » au risque de rester « bons à rien ».  

Obligations déontologiques de l'avocat

C’est pour éviter cela qu’outre une légitime prudence, le règlement de la profession d’avocat lui impose diverses obligations regroupées sous le nom générique de « déontologie »

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« L’avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment.

Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d’honneur, de loyauté, d'égalité* et de non-discrimination, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie.

Il fait preuve, à l’égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence. »  

  • A ce titre, l’avocat s’interdit donc de lancer ses clients dans des procédures dont il ne maîtriserait pas les subtilités (obligations de compétence et de prudence). 
  • De même il s’interdit des propos vulgaires, injurieux, grossiers, agressifs (obligations de délicatesse, de modération, de courtoisie).

Pour en revenir à une action dirigée contre le brevet, à quoi sert-elle ?

Le brevet est là pour protéger les investissements qui ont permis d’inventer un produit ou un procédé. Il sert donc notamment à interdire à des concurrents de « génériquer » un produit en le fabriquant à bas coût et en concurrence avec son inventeur.

 

C’est dans ce genre de situation qu’un concurrent qui souhaiterait développer un produit proche mais non identique (une forme de générique) pourrait vouloir faire annuler un brevet afin de libérer le marché.

 

Cela nécessite de démontrer notamment qu’il n’y avait pas, dans le produit ou le procédé objet du nouveau brevet, assez de nouveauté pour justifier la délivrance d’un brevet de protection.

 

Appliqué à la nouvelle formule du lévothyrox, cela nécessite de démontrer que cette nouvelle formule est « trop proche » de l’ancienne pour pouvoir être déclarée nouvelle.

 

Quelques centaines de milliers de malades aimeraient sans doute que la NF soit «si proche » de l’AF. Mais ils constatent tous les jours via leurs effets secondaires que malheureusement cette nouvelle formule n’est pas bioéquivalente. 

Les obstacles sur le chemin de la nullité d'une procédure judiciaire.

Pour ceux qui ont fait ce qu’on appelle en faculté du droit judiciaire privé ou de la procédure civile, ils connaissent bien les obstacles procéduraux appelés irrecevabilités.

 

La justice n’est pas un « self service » et avant de lancer une action contre quelqu’un il faut démontrer qu’on a qualité et intérêt à agir. Avoir intérêt à agir ce n’est pas « avoir envie d’ennuyer son adversaire » ni « avoir envie de faire pression sur lui ».

 

C’est le premier obstacle que le laboratoire n’aura sans doute pas manqué de dresser sur la route de ceux qui entendent faire annuler le brevet de la nouvelle formule. 

Quelques évidences que le laboratoire pourrait soulever :

Parmi d’autres arguments, il leur est facile d’opposer quelques évidences.

 

La première : sI la nouvelle formule était retirée du marché, comme le demandent les initiants, quel sera le sort des millions de personne qui la prennent et en sont satisfaits ? En effet, cette nouvelle formule, qui n’est pas bioéquivalente avec la précédente, n’en n’est pas pour autant un « poison » comme on le lit trop souvent. Elle  soigne aujourd’hui des millions de patients.

 

La seconde, plus juridique : les initiateurs de cette action ne revendiquent pas la nullité du brevet afin de leur permettre de fabriquer une alternative. Ils n’ont, malgré leurs efforts et leurs déclarations, été en mesure de ne trouver aucun laboratoire disposé à fabriquer l’ancienne formule, même dépourvue de brevet. Le tribunal de grande instance de Paris risque donc de leur opposer que ce brevet ne leur cause aucun grief (aucun tort). Et si tel est le cas, ils seront déclarés irrecevables à le contester et à en demander la nullité.  

 

A ce stade, d’ailleurs, rien n’a été plaidé sur le fond de l’affaire, le 4 décembre 2019. Ce n’est que la seule recevabilité qui a été plaidée, avec une décision sur ce seul point annoncée pour fin Janvier 2020. 

Que s'est-il passé le 4 décembre 2019 au 4ème étage du TGI de Paris ?

Le TGI c’est une procédure écrite, c'est-à-dire que tout se fait par échange de conclusions, les plaidoiries n’étant que très subsidiaires.

Seule la procédure et non le fond pouvait être plaidée, devant un juge de la mise en état et non une formation de jugement. Espérons que cette plaidoirie ne ressemblait pas à ce que la 8ème chambre de la Cour d’appel administrative de Marseille avait qualifié, le 16 juin 2015 de « l'extrême confusion des  écritures de première instance, » et que le dossier a pu être pris au sérieux et plaidé à l’heure.

Le tribunal de grande instance de Paris donner sa réponse fin Janvier 2020. 

Les légitimes craintes de l'UPGCS

Mais force est de craindre que si le tribunal avant même de s’intéresser au fond de l’affaire, jugeait déjà qu’elle est mal « enclenchée » (les juristes disent  irrecevable et laissent « enclenché aux mécaniciens »), l’affaire risquerait de faire pschitt assez vite.

Espérons qu’au surcroît le laboratoire n’en profitera pas pour faire condamner les demandeurs à des dommages et intérêts. En effet, si les protections juridiques prennent souvent en charge une partie des honoraires, elles ne paient jamais les condamnations auxquelles s’exposent les justiciers imprudents.

 

Il n’entre pas dans les intentions de l’UPGCS de souhaiter l’échec de cette procédure. 

L’UPGCS se contente de s’inquiéter

  • En cas de succès pour le sort de millions de patients qui ont réussi tant bien que mal à s’habituer à la nouvelle formule et n’ont pas forcément envie de se voir obligé à une nouvelle migration
  • En cas d’échec pour le coût que risquent de supporter quelques centaines d’imprudents justiciers.  En cas d’échec encore sur le mauvais signal qu’aura donné le fait de permettre au laboratoire de remporter une facile victoire qui lui permettra de communiquer victorieusement.

 

La cellule juridique de l’UPGCS 

 



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Commentaires: 2
  • #1

    hilare (dimanche, 12 janvier 2020 23:48)

    Depuis qu'on entend la spécialiste du sujet expliquer urbi et orbi qu'elle ne veut pas se faire volet ses "arguments juridiques" ... on n'espérait plus qu'elle donne son secret à ses admirateurs ébahis

    Et pourtant cela vient d'arriver
    "Notre procédure est procédurale et liée au droit!!"
    https://www.facebook.com/pg/Alerte-Thyroide-131985150754896/posts/?ref=page_internal

    Ah ben bon sang mais c'est bien sur ... que n'y avions nous pensé avant ?

  • #2

    abracadabrantesque (samedi, 25 janvier 2020 12:00)

    Ce qui devait arriver est arrivé, la procédure abracadabrantesque lancée pour annuler un brevet vient de se prendre un râteau magistral dès le seuil du procès.

    Aucun examen au fond, l'action était tellement mal ficelée qu'elle est même déclarée irrecevable.

    Ceux de nos lecteurs qui ne se contentent pas de lire les gesticulations prodcéurales et facebookiennes, et qui ne se contentent pas de suivre les gens qui vous annoncent des "lendemains qui chantent" , avant de changer la date du lendemain, ne seront pas surpris.

    Il s'est passé quoi ? Il s'est passé le 24 Janvier EXACTEMENT ce que nous vous avons annoncé ici même dès le 14 Décembre, 6 semaines plus tôt.

    "Mais force est de craindre que si le tribunal avant même de s’intéresser au fond de l’affaire, jugeait déjà qu’elle est mal « enclenchée » (les juristes disent irrecevable et laissent « enclenché aux mécaniciens »), l’affaire risquerait de faire pschitt assez vite. "

    Visiblement, la personne qui a mis en place cette procédure aurait mieux fait de s'intéresser aux évidences que nous soulevions que de les balayer du haut de son hypercompétence autoproclamée ..

    Mais est-ce que la leçon valait bien un fromage ? Visiblement non, puisque après le rateau du TGI, les mêmes courent chercher le rêteau en appel ..