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Conséquence des souffrances supportées, la dépression observée chez certains n'est nullement la cause de leur Covid long. Le point du psychologue

Note concernant l’aspect dépressif pouvant découler d’un Covid-Long

par Harry IFERGAN (Psychologue) 12.01.2021 pour l'UPGCS 

 

Concernant l’un des points qui ont été évoqués lors de la réunion visio du samedi 9 janvier 2021 par l’association UPGCS, il faut envisager la dépression comme une conséquence de la Covid et non une cause !

La maladie affecte autant notre corps que la sphère mentale et l’humeur.

 

On ne peut toutefois pas écarter qu’une phase de déprime, voire une dépression franche puisse préexister chez un patient atteint par le virus SARS COV-2. Dans ce cas, le syndrome thymique est aggravé.

 

Selon l’angle où l’on se situe, nous dirons que chez certains patients COVID-LONG, on constate un besoin impérieux d’exposer à l’entourage l’éventail des signes de dysfonctionnement organique, des douleurs et des gênes diverses ressenties.

 

Ce long récit exhaustif peut se répéter de jour en jour et même de semaine en semaine. Il serait faux de penser qu’il s’agit de l’énoncé d’une simple litanie dans le but de se faire plaindre.

 

Il faut considérer cette description détaillée et répétitive plutôt comme salvatrice et de bon aloi car elle a une fonction : permettre de donner un sens au sujet qui se perçoit comme souffrant.

 

C’est cette sensation aigüe de la peur du lendemain, de la douleur réelle, du handicap profond et permanent dû aux fonctions essentielles qui ne répondent plus normalement ainsi que l’atteinte du moral, qui va engager le patient dans le combat vers la guérison.

 

On peut avancer que, sans cette perception de lui-même en tant qu’« être en souffrance », il lui sera difficile d’envisager un mieux-être. Il est donc essentiel d’associer une écoute spécifique sur un plan psychologique au seul traitement médical. Le sentiment d’être entendu et écouté apporte au patient réassurance, empathie et espoir.

 

Or, chez un patient atteint de Covid-Long, du fait de la massivité des symptômes, de leur durée dans le temps -où parfois même le diagnostic vital engagé- il n’est pas toujours aisé pour l’entourage de s’identifier aux éprouvés et aux ressentis du malade. Seuls d’autres patients (ou soignants) qui ont eux-mêmes été atteints par la même affection, seraient capables de ressentir -au plus près- la douleur et la souffrance physique et psychique du sujet.

 

Le fait de ne pouvoir s’identifier à ce qu’éprouve le malade procède d’un mécanisme de défense qui évite à l’entourage de se sentir envahi ou débordé par des projections perçues comme mortifères.

 

N’est pas à l’écoute d’un patient Covid-Long qui veut !

 

Toutefois, on ne peut incriminer l’entourage qui imagine que le patient qui expose ses symptômes, exagère, surenchérit et se répand à outrance pour se faire plaindre. En effet, la capacité à se mettre à l’écoute n’est pas donnée à tout un chacun car cette aptitude est en lien direct ou indirect avec le sentiment d’impuissance auquel nous sommes tous renvoyés.

 

Nous nous sentons impuissants face à la massivité des symptômes énoncés

par le patient atteint de Covid-Long.

 

A cela s’ajoute l’absence actuelle de traitement efficace (ou identifié comme tel), la diversité des formes de la maladie, le sentiment que le corps médical tâtonne, la multiplicité des interprétations que nous fournissent les virologues, les contradictions émanant de certains soignants et la suspicion encore présente autour de la vaccination. Toutes ces incertitudes participent grandement au sentiment d’impuissance de l’entourage mais aussi du patient Covid-Long. Nous ne sommes pas tous « équipés » pour admettre notre impuissance !

Repérons comment la dépression peut envahir le patient Covid-Long.

Tout commence par l’arrivée d’un ou de plusieurs signes qui, peu à peu, constitueront un symptôme. Une sensation de mal-être apparaît dès l’annonce du Covid positif (PCR puis Sérologie).

Note de l'UPGCS à ce propos : 

On ne peut oublier ceux qui ont ressenti les symptômes de l'infection au SARS-Cov-2, sans pouvoir bénéficier de test, ou avec un médecin en début d'épidémie, qui refusait de poser ce diagnostic. C'est tardivement dans leur cas, qu'au travers des effets qui s'installent, des examens qu'est évoqué une possibilité de Covid-19, sans affirmation ferme et donc refus de prise en charge ALD ce qui devient une catastrophe économique, sociale, professionnelle pour ces derniers. 

 

A cette sensation de mal-être, s’ajoute un stress qui débouche sur un sentiment d’anxiété ou même d’angoisse face aux conséquences à envisager avec son médecin.

 

Arrive l’isolement total (lorsque l’on vit seul) ou relatif dans une chambre,

confiné, lorsqu’on est accompagné.

A ce stade de l’avancée de la Covid, sont déjà présents quelques troubles des fonctions essentielles telles que le sommeil, le comportement alimentaire et bien sûr l’humeur.

 

Si la sensation de ne pouvoir contourner ou surmonter la maladie devient envahissante, apparaissent alors des signes de ruminations mentales.

 

Le terrain devient propice à la dépression.

Dans un second temps, on peut voir apparaître des signes massifs et fort invalidants qui peuvent nécessiter l’intervention des urgences hospitalières. C’est lorsqu’on a été médiqué puis diagnostiqué « Covid-Long » (après plusieurs mois de souffrance et une immobilisation physique durable), que l’on comprend qu’on ne se remettra pas facilement de cette maladie.

 

Toutes les éventuelles expériences médicales qu’on a pu vivre par le passé ne suffiront pas, cette fois-ci, à se sentir « sorti d’affaire ». Un Covid-Long constitue une expérience unique, voire incomparable à nulle autre. Elle nous confronte à la mort imminente qu'évoquent certains patients et nous déstabilise à un point tel qu’on ne peut envisager ce qui adviendra de nous dans l’heure suivante (et pour certains, dans la minute suivante).

 

La sensation de se trouver face à un gouffre profond envahit le corps et l’esprit au point où, si notre moral est déjà atteint par d’autres soucis matériels ou moraux, une aide psychologique sera nécessaire, voire indispensable. Mieux vaut ne pas présumer de ses forces et voir la réalité de notre fragilité en face. La vulnérabilité est imminente.

 

 

Il faut remarquer que certains patients Covid sont retombés malades après une période de rémission plus ou moins courte. Ces patients retrouvent les symptômes  de la période préliminaire et craignent de recourir aux services des urgences hospitalières.

 

Ce réveil des souffrances passées produit un stress qui, associé à la période hivernale de froid, de moindre luminosité, de confinement et de couvre-feu, produit un glissement vers la déprime ou la dépression.

Réagir pour sortir d'une spirale infernale

 

 

Ce constat établi par Bruno Escarguel, pneumologue,  sur les conséquences pulmonaires post infection, s'applique également aux fonctions motrices, cognitives et au syndrome dépressif d'un malade Covid long. 

Il faut mettre en place des actions pour sortir de cette spirale 

 

Afin de réduire ce sentiment d’isolement, il devient essentiel de s’appuyer sur d’autres patients qui sont à même de comprendre exactement ce dont on souffre.

 

Les protocoles expérimentaux des laboratoires et des hôpitaux offrent une fenêtre ouverte vers l’extérieur et permettent au patient de s’intégrer dans un groupe. C’est pourquoi l’adhésion à une association telle l’UPGCS, offre une plateforme d’informations  et de soutien : permet de mieux affronter la maladie.

 

Les groupes de patients permettent aux nouveaux-venus de s’informer grâce aux expériences des anciens. L’organisation d’ateliers où l’on s’informe sur les enjeux de la maladie permettent de se préparer, de maîtriser et de mieux accepter ce qui va suivre, tout en se préparant à appréhender l’aggravation des symptômes.

 

Ainsi, la mutualisation des expériences individuelles produit un ensemble cohérent qui incite les médecins à y puiser des informations à la source mais aussi à imaginer les protocoles expérimentaux dont bénéficieront les patients.

 

D’ailleurs, lorsque le patient se sent soutenu par le groupe des pairs et qu’il est accompagné de spécialistes, on assiste à l’émergence d’un « corps groupal » sur lequel le malade peut s’appuyer et se ressourcer.

Le lien social reste donc essentiel en situation de Covid-Long, même lorsqu’on en est sorti.

 

On a remarqué une plus grande entraide émanant des malades, les uns envers les autres, aussitôt qu’ils sont regroupés en association. Une attention accrue et une aide solidaire envers un patient apporte un sentiment d’utilité et redonne confiance au moral et à l’estime de soi. Pourquoi s’en priver ?

 

Pouvoir élaborer des projets qui dépassent la date annoncée du déconfinement permet au patient de « voir plus loin » et même au-delà de la date de rémission.

 

  • Se faire suivre par un psychologue ou un psychiatre (avec ou sans psychotrope).
  • Noter scrupuleusement les rendez-vous auxquels il faut se rendre et éviter de les reporter.
  • Adhérer à une association de malades mais aussi à une association culturelle, sportive, etc.
  • Se forcer à sortir de chez soi (si l’on est capable de rassembler ses forces pour cette occasion) permet de voir du monde, engager peut-être un dialogue, voire une petite conversation.
  • Oser téléphoner à nos amis et famille pour favoriser le contact téléphonique ou en visio sinon le silence risque de remplir le vide social.
  • S’adonner à des tâches nécessaires bien que peu gratifiantes : ménage, rangement, courses.
  • Faire de la musique, du chant, du dessin, du jardinage, de la couture, du tricot, des mots croisés.

 

La reconnaissance comme une naissance attendue

 Il reste un dernier point à aborder et non des moindres : la reconnaissance du statut de la maladie Covid-Long par le corps médical et les autorités sanitaires.

Cette reconnaissance du patient « Covid-Long » aura pour bénéfice secondaire d’alléger la souffrance du malade sur le plan psychique.

A l’inverse, l’absence de reconnaissance du statut de Covid-long peut en terrasser littéralement plus d’un ; que cette absence de reconnaissance émane de l’entourage proche et plus encore si elle vient du corps médical.

 

Pour clôturer mon propos, je me référerai au triptyque suivant :

  • Repérage des symptômes et écoute attentive de la plainte du patient qui est à prendre en compte, car toujours légitime.
  • Reconnaissance de la gravité des dysfonctionnements physiques et du trouble moral.
  • Obtention du statut de « Covid-Long » qui doit s'inscrire par la prise en charge des malades en ALD par la sécurité sociale  pour tous ceux présentant une symptomatologie liée au Covid-19, et la reconnaissance en maladie professionnelle pour ceux qui ont contracté l'infection dans le cadre de leur profession.Oublié le grand élan de solidarité qui faisait applaudir les soldats du front du printemps dernier. Des critères restrictifs laissent au bord du chemin, contrairement aux promesses des discours officiels, un grand nombre de victimes Covid long, qui en ressentent  abandon, trahison, autant de raisons supplémentaires pour développer une dépression aux quelles s'ajoutent les difficultés sociales, économiques et professionnelles. 

Solidairement avec les victimes, Harry Ifergan 

 

Qui est Harry Ifergan ?

Psychologue et psychanalyste, spécialiste du développement de l’enfant, Harry Ifergan répond aux interrogations les plus courantes des parents, invités à déposer leurs questions sur tiji.fr.

 

Une série de pastilles très pragmatique, qui bat en brèche un certain nombre d’idées reçues.

Harry Ifergan est l’auteur de plusieurs ouvrages en psychologie du développement de l’enfant, et notamment de L’Éducation des enfants (de 0 à 6 ans), paru chez Flammarion. II exerce en milieu hospitalier et en cabinet libéral. Il tient la rubrique " De vous à moi " de Top Famille Magazine.

 Source : http://www.tiji.fr

 

S'il s'intéresse à la problématique du Covid long, c'est pour la vivre depuis des mois au travers de son frère Dan. Il a vu s'installer peu à peu, au fil des mois et des maux, un changement spectaculaire chez un actif, prompt aux projets, qui depuis son infection par le SARS-COV-2, n'est plus que l'ombre de ce qu'il était, vivant désormais reclus pour ne pas faire supporter son état à ses proches. 

Il faut à Harry son savoir faire et sa science des mots pour briser la muraille que Dan s'est construite pour cacher sa souffrance. 

 

Merci à Harry de nous confier cette analyse pour aider l'ensemble des malades victimes de CoVid long

La bibliographie de Harry Ifergan

Les livres de l'auteur à retrouver sur : 

https://www.fnac.com/ia87997/Harry-Ifergan

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